lundi 16 novembre 2015

Labo-Drama, première partie : décliner le carré

Un groupe d'une dizaine de participants s'est retrouvé les 13-14-15 novembre, afin de construire ensemble le matériau de ce qui est appelé à devenir, lors d'une nouvelle rencontre de février, une pièce de théâtre...

Nous avons d'abord découvert la très grande liberté qu'offrait l'écriture dramatique contemporaine (merci à la bibliothèque municipale qui a mis quelques ouvrages à notre disposition), tout en pointant, dans le même temps, des invariants de la parole théâtrale.

C'est dans ce contexte fait à la fois de possibles et de contraintes que nous sommes entrés dans le vif du sujet, autour du mot "carré", thème qui sera la "figure de proue" de notre atelier à plusieurs étapes : le carré à tous points de vue, à savoir le mot lui même, mais aussi ses différents sens, sa forme géométrique... bref nous avons décliné le carré de différentes manières pour le confronter à notre regard, notre vécu.

Nous avons aussi laissé parfois faire le hasard par le biais de propositions oulipiennes. A l'arrivée, nous avons écrit une cinquantaine de textes courts ayant rapport, de près ou de loin (parfois simplement dans le processus d'écriture), au carré.

Rendez-vous en février pour un temps d'écriture collective cette fois, au cours duquel il s'agira de structurer une pièce de théâtre d'environ 45 minutes, qui sera lue en public lors des Téméraires, en mai prochain.

> suite de l'atelier (février)

> Laurent Contamin

vendredi 23 octobre 2015

Labo-Drama à Cherbourg

Dans le cadre des "Téméraires toute l'année !", la MJC de Cherbourg-Octeville (50) propose, avec le soutien du Conseil Départemental de la Manche, un laboratoire dramaturgique que j'animerai en plusieurs temps, et qui consistera à apporter aux participant(e)s :

- une sensibilisation au théâtre contemporain et à ses modes d'écriture
- un atelier d'écriture de textes individuels
- un atelier dramaturgique collectif
- une lecture publique du texte théâtral collectif.

Les dates : 13-14-15 novembre 2015, puis 27-28 février 2016, puis 21-22 mai 2016.

Les tarifs : 35 / 45 euros

Infos et résas : MJC Cherbourg, centre@mjc-cherbourg.com, 02 33 53 31 72

jeudi 18 juin 2015

En attendant l'ours blanc...

Le 3 juillet à 17h30, rendez-vous au Parc Beaulieu d'Ermont (95) pour une parade toute en masques, musiques, danses et textes !

Un beau projet, porté par la compagnie Fond de Scène et la Mairie d'Ermont.

On marchera jusqu'au parc de la Mairie, justement, où l'ours blanc a des choses à nous dire, de retour de son tour du monde...

Mais d'ici là, ça écrit, ça carbure, ça rêve, dans les centres socio-culturels. On s'inquiète du réchauffement climatique... Un petit aperçu ?

De l'interrogation :
Lion : pattes, queue - roi... Rugissement !
Fourrure, crinière... Mangeur‐de-viande...
Carnivore dangereux, le‐roi-des-animaux ?
De la revendication :
Du frais pour les perroquets !
Sale temps pour les orang-outans !
Plus de feuilles pour l’écureuil !
Des humains pour les requins !

De l'imagination :
Je vais à la plage
Jusqu’au rivage – et là,
Je trouve les arcs en ciel !

jeudi 28 mai 2015

La photo bat la campagne

Avec l'association Diaphane, "la photo bat la campagne" : rencontre, ateliers, création, écriture... avec des écoliers de Mouy, Clermont de l'Oise, Fitz-James, Breuil le sec et Breuil le vert. Extraits...

Cher Jaclin,
Salut! J'espère que tu vas bien.
Hier, samedi 3 mai, vers 14h en arrivant au parc du Châtellier, j'ai été surpris par les grands arbres. J'ai admiré les fleurs qui sentaient bon.
Mes amis, Léo, Florisse et Loann sont arrivés.
Nous avons commencé à jouer à loup-perché.
Malgré nos cris, nous entendions les chants des nombreux oiseaux.
J'espère que tu m'enverras des messages par la poste parce que mon portable ne fonctionne plus ; il est tombé dans le réservoir du château  d'eau.
Je t'embrasse.
Briac

Cher Pépé,
Hier, dimanche 10 mai, j'étais sur le du Châtellier, j'attendais mes cousins, Ethan et Zack. J'ai marché en traînant les pieds comme tu le faisais quand tu étais à bout de forces. J'ai entendu le crissement du sable sous mes semelles.
J'ai vu des roses blanches comme dans la chanson que tu aimais. Leur parfum me rappelle le parfum de Nani.
Je pense très fort à toi.
Gros bisous.
Louka
Cher Tonton,
La ville de Clermont possède une école qui s'appelle « l'école de la gare » parce qu'il y a une gare à côté.
On y trouve toutes les classes, de la petite section au CM2.
Je n'arrive jamais à rattraper mon chien parce qu'il court beaucoup trop vite.
Bisous.
Emy
PS: mon chien s'appelle Gibson.
Coucou Aurélia.
Ca va ? Hier, Maman m'a appris à faire la roue. Ce qui est difficile, c'est de garder l'équilibre. 
Samedi, je suis allé à la boulangerie, près de l'hôtel de ville. Il ne faisait pas très beau ; ça sentait l'humidité. J'ai vu des enfants déguisés pour un concours.
J'ai parcouru la braderie de Prinemps des commerçants du centre-ville.
Maman m'a acheté une bague avec de jolis motifs. 
A bientôt, bisous.
Eloïse

Mamie Elisa.
Je pense fort à toi. Je t'écris pour te parler de la gare de Clermont. Cette construction est très ancienne. Je prends souvent le train. J'achète souvent un paquet de chips au goût « poulet » pour après le voyage.
Je vais prendre le train, samedi 16 mai pour aller à Marseille. J'aimerais voir le Vieux-Port avec ses bateaux et je pense que je sentirai l'odeur du poisson. 
J'espère te voir bientôt.
Maxime
Cher Moumoux
Je me trouve à la gare de Clermont avec mes parents. J'attends mon cousin qui vient de Châteauneuf sur Cher. Comme je suis un peu fainéant, je l'attends dans la voiture sur le parking alors que Papa est seul sur le quai. Je vois des voyageurs pousser leurs grosses valises.
J'ai entendu des motos passer sur l'avenue des Déportés. 
Je te salue.
Jules, ton voisin.
PS : Je me suis endormi en écrivant cette lettre.

dimanche 26 avril 2015

"Je suis fait du bruit des autres"

Sur la photo elle sourit de ce sourire heureux et complice de celle qui a celui qu'elle veut.
C'est le jour de son mariage.
Elle porte un tailleur foncé. Sa mère est morte il y a à peine deux ans. Cette mère qui, dira t-elle plus tard, n'aurait pas voulu de cet homme pour sa fille.
Lui a posé son bras autour de ses épaules et se penche vers elle avec le regard rempli des promesses de bonheur qu'il ne tiendra pas.
Ils ressemblent à deux gamins qui font une farce.
Sur la photo, les entourant, il y a son père à elle, sa tante, sa mère à lui avec son nouveau mari. Ils ont tous l'air sévère, sérieux. Peut être le père pense t-il  à sa femme disparue trop tôt. Il se dit qu'elle aurait su trouver les arguments pour empêcher ce mariage. Pas lui. Il n'a jamais rien refusé à sa fille qu'il a eue si tard et qu'il aime.
La tante, revêche, pas aimable. Difficile d'être joviale quand on porte un œil de verre et un pied bot. Mais elle est là. Elle remplace la mère. Elle est aux côtés de ce beau frère qu'elle aurait voulu pour elle. D'ailleurs elle lui a demandé de la choisir elle mais il a préféré sa cadette, plus jeune, plus jolie, plus gaie. Pourtant ça ne se fait pas d'épouser la cadette avant l’aînée, surtout quand le prétendant a vingt ans de plus. Les parents ont renié puis déshérité cette fille qui épousait un trop vieux. Mais ils ont tenu bon. Un peu comme leur fille qui aujourd'hui épouse ce très beau garçon dont chacun sait qu'il préfère la fête à la vie de famille.
Sa mère à lui, austère, amère : on lui vole son fils chéri. Mais la mariée et son père « ont du bien » comme on dit à l'époque. Son petit sera à l'abri du besoin et qui sait, elle aussi ?
Son nouveau mari qui a remplacé le père de son fils parti parce qu'elle est trop méchante, exigeante et infidèle est, sur la photo, le seul à avoir l'air serein. En fait il est détaché, ailleurs. Il pense à la femme blonde qui l'attend et avec laquelle il partira dans quelques mois. Pour une vie plus belle, plus calme, plus amoureuse.
Sur la photo elle sourit toujours la nouvelle mariée.
Lui a la tête de celui qui se demande pourquoi il est là.
Sur la photo ils ne savent pas qu'un an plus tard naîtra leur fille et que dans quatre ans ils seront divorcés.
Martine
> sur la résidence

jeudi 16 avril 2015

Randonnée littéraire

Avec les CM2 de l'école Marcel Pagnol, nous sommes allés nous promener autour de Valréas, toute une matinée, sac au dos et carnet de notes à la main, pour inventorier le paysage. L'après-midi fut mise à profit pour écrire quelques courts poèmes :

Air fleurs mur pies petits insectes
Glands verts feuilles terre petits insectes
Promener nature petits insectes -
J'aime me promener dans l'odeur des montagnes.
Anna



Herbe arbre tige rouge vraiment-aucun-bruit
Rose tige rosier forêt vraiment-aucun-bruit
Épineux beaux pétales -
Vraiment-aucun-bruit.

mercredi 25 mars 2015

Entre ciel et terre à "Coup de pouce" !

De nouveaux haïkus ont été écrits par les participants de l'atelier d'écriture "Coup de pouce" à Valréas. En voici quelques-uns :


Sur les cols des hautes montagnes
Drapeaux et banderoles
Claquent au vent.
Jean-Pierre Guinard
L’obscurité vient :
Derrière la lune
Le soleil se cache !
Julie Moreno
Le père Hiver agonise
Son fils le Printemps
Va régner
Alain Squividant
Sur mon balcon au printemps
J’ai étendu ma serviette :
Je goûte la chaleur !
Anaïs Pidoux
Juin dans le jardin
Des oiseaux, des enfants
Qui piaille le plus ?
Laurent
Le ciel en furie
Crache des éclairs
Multicolores
Alain Squividant

vendredi 6 mars 2015

Reflets...

Au revoir, sacré lascar

Es-tu déjà venu ici ? Peut-être bien. Peut-être pas. Ce qui est sûr, c'est que tu n'y viendras plus. Quoique. Ton esprit est peut-être déjà là, qui flotte au-dessus des reflets irisés.
Je sens l'odeur du feu, le sable dans les ourlets du pantalon. Tu joues debout parmi les tiens, l'œil brillant, le torse bombé. La nuit a été longue et courte, pleine d'aventures déjà terminées.

J'entends le ressac et ton cœur qui bat. Tu caresses ses cheveux. Elle s'est endormie en travers de toi. Tu n'oses pas bouger. C'est l'heure où les étoiles disparaissent une à une. Tu te noies dans le ciel, essayant de les retenir toutes. Les braises veillent mais personne ne le sait. Pour te réchauffer, tu chantes dans ta tête. Tu joues, tu ris.

J'ai oublié l'avant et l'après. Je n'ai gardé en mémoire que ce studio minuscule, cet évier débordant de vaisselle et cet énorme phallus en céramique rose bonbon qui trônait sur le comptoir derrière ton lit. Nous étions cinq, deux filles, deux garçons et toi, astre solaire qui ne me quittait pas des yeux. J'étais debout, éblouie par cette myriade de coupures de presse, papiers jaunis punaisés à même le mur. Toute ta personne jubilait de voir ma mine ébahie. Les trois autres avaient disparu de notre espace. Je regardais ces photos, je lisais ces articles, je revivais tous ces instants comme si je les avais déjà vécus. Partout ta tignasse et tes yeux fendus. Tu me regardais plonger dans ce passé. Tu étais heureux qu'une jeune gazelle s'intéresse à un vieux briscard comme toi.

Es-tu déjà venu ici ? Connais-tu cette plage ? C'était la préférée de Brassens, m'a-t-on dit. L'as-tu rencontré ? La guitare, la moustache qui frétille au passage d'un jupon.
Ce soir, tes boucles se sont envolées par-dessus les dunes. Elles dansent avec les étoiles et les notes perdues. Cette musique qui ne vit qu'une fois et qui revit sans cesse.
Une vague apparaît, disparaît, laissant la place à ses sœurs.

J'aime la mer, le sable et le feu. Les guitares et les torses bombés. J'aime les nuits plus belles que les jours. Au revoir Manitas.

Florence REY, Valréas
novembre 2014 - écrire à partir d'une photo


Reflet létal

Avais-je bien fait de revenir ?
Je ne saurais dire combien d’années s’étaient écoulées. L’oubli. Essayer d’oublier en croyant fermement que le temps ferait son œuvre.
Seulement les souvenirs finissent toujours par vous rattraper. Vous ne savez pourquoi, un jour, alors que le quotidien aurait dû vous conduire comme chaque matin à éplucher des dossiers que ne désempilent jamais, sans vous prévenir,  vos yeux fixés sur le feu rouge se laissent happer par la longue chevelure d’or d’une fillette qui traverse devant votre véhicule. Le souvenir vous rattrape alors, un souvenir que vous pensiez suffisamment enfoui pour l’avoir à jamais oublié.
C’est ce qui m’est arrivé ce matin de mars. Alors, allez comprendre pourquoi, j’ai bifurqué au premier croisement. Je n’irai pas travailler ce matin.

J’ai parcouru plus de huit cents kilomètres sans m’arrêter. Presque. Une seule petite halte pour le ravitaillement en carburant. Mon seul compagnon de trajet a été l’image d’une longue chevelure blonde qu’emmêlait avec malice l’espiègle Mistral. Allais-je seulement retrouver le sentier où me ramenait mon souvenir ? Allais-je retrouver l’embranchement du chemin ou la forêt l’avait-elle avalé pour en interdire à jamais  l’accès ? L’avait-elle phagocyté pour que jamais ne resurgisse ce passé oublié ? Je ne saurais dire si inconsciemment je l’espérais ou non, si à mon insu je n’échafaudais pas une excuse pour renoncer. Stopper net. Rebrousser chemin. Après toutes ces années, je ne reconnaîtrais certainement plus rien.
Je me suis surpris à constater qu’il n’en était rien. Alors que j’approchais de l’embranchement, l’environnement m’est apparu de plus en plus familier. Des détails même infimes auxquels je n’avais jamais prêté attention trente ans auparavant, surgissaient, se bousculaient, venaient se télescoper à la moindre de mes pensées. J’approchais.

Noyé dans une végétation mal entretenue, du panneau indicateur « ferme Allecq » ne restait plus que le piquet de bois vermoulu qu’aucun automobiliste n’aurait deviné sans en connaître par avance l’existence. Sans prendre la peine de ralentir, j’ai viré sèchement pour m’engloutir dans la partie boisée du sentier, anéantissant d’un coup le piquet, en effaçant toute trace pour l’éternité. La voiture s’enfonçait à vive allure, chassant tantôt à gauche, tantôt à droite, sur un sol boueux que les pluies de la nuit avaient détrempé.
Il avait plu cette fin d’après-midi.  Il pleuvait même encore quand j’abordais le sentier. Les feuilles trempées de pluie laissaient perler d’énormes gouttes qui s’écrasaient en grand « ploc » sur le pare-brise.  J’évitai de justesse un tronc couché en travers du chemin. « Il faudra que j’envisage sérieusement de rendre le chemin plus praticable », pensais-je. J’avais ralenti et je roulais plus prudemment. Les fortes pluies de la veille qui s’étaient abattues sur un sol gorgé d’eau avaient transformé le chemin en patinoire de boue. Je risquais le dérapage incontrôlé ou l’enlisement à chaque ornière.


Des gouttes de sueur perlaient de mon front, de mes tempes. La peur ? Je ne savais ce qui me poussait à poursuivre. J’aurais pu stopper, enclencher la marche arrière, retourner à la case départ, à ce feu rouge où avait flotté au vent cette longue chevelure blonde… La case départ... N’était-ce pas là ?
J’avais réussi à gagner malgré plusieurs dérapages le dernier virage boisé du sentier.

Il était trop tard pour reculer. J’atteignais déjà le dernier virage boisé du sentier. À peine dépassé, un vaste champ colonisé par les hautes herbes et les ronces où se perdait le chemin s’est ouvert devant moi.
À la sortie du virage, une vive lueur rougeoyante d’où s’échappait un énorme panache grisâtre parsemé de braises incandescentes éclairait l’horizon. La bâtisse au lointain flambait. J’avais blêmi et mon pied avait appuyé sur la pédale de l’accélérateur. L’ornière suivante me fut fatale. La roue s’y enfonça, bloquant net l’avant du véhicule, l’arrière chassa, je fus incapable de redresser, la voiture se souleva et en quelques tonneaux se retrouva au milieu du champ de tournesols qui avaient pour la plupart ployé sous le poids de l’eau.

J’ai parcouru quelques mètres avant de freiner doucement pour stopper à l’endroit même où autrefois se dressaient les premiers rangs de tournesols. J’ai ouvert la portière.
Par chance, le dernier tonneau avait laissé la voiture sur ses quatre roues.  J’en étais sorti un peu groggy, plus hagard de voir impuissant l’incendie dévorer la ferme que des chocs et contusions occasionnés par les culbutes du véhicule. Sans réfléchir, j’avais regagné le chemin pour courir droit en direction du brasier ardent en hurlant son prénom.

J’ai posé un pied en dehors du véhicule, je me suis extirpé de la chaleur de l’habitacle et j’ai regardé droit devant. De la bâtisse, il ne restait que quelques vestiges des vieilles pierres qu’on apercevait de temps à autres dans les rares espaces que la végétation avait  épargnés. J’ai marché quelques pas dans ce qui semblait être jadis le chemin qui menait à la ferme. Quelques pas seulement. Ce devait être pas là. Là.  J’ai cherché du regard à retrouver l’endroit. Comment pourrais-je le retrouver ? Ce n’était pas possib… Je suis resté immobile. Non. Non… Ce n’était pas possible. J’ai senti mon cœur s’arrêter, ma bouche s’assécher, mon souffle se figer. Comment était-ce possible ? Malgré la pluie qui était tombée peu de temps avant, la terre avait tout absorbée, tout… excepté à quelques mètres de mes pieds. Une flaque d’eau s’étendait. Une flaque d’eau, là…  précisément là.

La pluie cinglait, je courais droit devant, j’avais à peine parcouru quelques mètres, je heurtai quelques chose et m’affalai de tout mon long. Je me redressai aussitôt tant bien que mal, machinalement je tournai la tête vers la raison de ma chute. Je l’aperçus alors.  Etendue, la jupe relevée au dessus de ses hanches, la tête plongée dans une flaque d’eau où  ses longs cheveux blonds flottaient. Je me jetai sur elle, relevai son visage. Je n’oublierai jamais son regard vide, jamais. Mes hurlements se perdirent dans le grondement de l’orage qui éclata au même moment.

J’ai parcouru les quelques mètres qui me séparaient de la flaque. Je m’y suis agenouillé au bord, j’ai laissé les larmes venir. L’eau reflétait le branchage d’un arbre mort. Triste coïncidence. Quelques ridules que le vent formait serpentaient à la surface de l’eau. Un semblant de vie. Pourquoi avais-je fait tous ces kilomètres ? J’allais me redresser quand brusquement j’ai cru entendre mon prénom. On m’appelait. Non… pas on. Elle. Elle m’appelait. Devenais-je fou ?

J’ai tendu l’oreille, la voix se faisait plus proche. On aurait dit qu’elle provenait de… non ! Je divaguais. Pourtant je l’entendais. Alors je me suis penché au-dessus de la flaque. Elle m’a renvoyé un visage vieilli que je ne reconnaissais plus. Le temps y avait laissé ses traces. Au moment où j’allais détourner mon regard mon reflet s’est troublé pour se brouiller totalement. Je suis resté un moment suspendu au dessus de l’eau sans vraiment comprendre ce qui arrivait. Quand petit à petit s’est redessiné le reflet, seulement, ce n’était plus moi. Je l’ai vue, elle. Elle était là, au fond de la flaque, elle me regardait,  elle m’appelait et tendait sa main vers moi. J’ai tendu ma main vers la sienne pour l’attraper. Nous nous tenions la main comme autrefois. J’ai souri.  Je me suis penché plus en avant et j’ai plongé la tête pour l’embrasser.
Ensuite, je ne sais plus. La seule chose que je sache, ce sont ces mots lus dans les faits divers d’un quotidien du cru.


« Jeudi 22 mars. Jacques Bredouille et Daniel Lelièvre, deux chasseurs de Goudargues, ont découvert à quelques mètres d’une voiture dont le moteur tournait encore,  portière conducteur ouverte, le corps sans vie d’un homme. D’après les premiers constats de gendarmerie, l’homme, encore non identifié, a été retrouvé à genoux, la tête baignant dans une flaque d’eau, la main entièrement enfoncée dans le fond boueux. Aucune marque de violence apparente. L’homme serait mort noyé. Le mystère demeure. L’enquête continue. »

vendredi 20 février 2015

D'autres territoires

Anagrammes

le titre d'un écrit précédant : « Le voyage impromptu »


1- La voie orage rompait le temp(s) et l'âge
aigre,
mai(s), le vol pur,
l'ange a gagé l'aile
imprévue. 
2- Imprévue,
l'aile a gagé le vol
pur de l'ange.
Le temps, l'âcreté de l'âge
rompaient la voie d'orage.
Gabriele Benitah, février 2015



Abécédaire

Alchimie. Béatitude.
Cœur délité, effréné.
Floraison gangrenée,
horrifiante image jouant Karma.
Limpide.
Marie, nouée, onirique,
pleure.
Quelque rêverie salvatrice...
Toute une vie...
Wanadoo ?
Xylophone
yole

zeppelin.

Gabriele Benitah, février 2015


Rester libre

L’angoisse, rien que d’y penser, gagner cinq étages par le biais de cet ascenseur, seul, m’imaginer prisonnier de cette cage métallique sans fenêtre, bloqué pour une raison qui m’échapperait entre deux étages, hurlant et tambourinant de toutes mes forces d’enfant de cinq ans, quand déjà, la main plongée dans celle de ma mère, blotti tout contre elle,  essayant de me rassurer, de trouver la force nécessaire d’y être entré, je m’y sentais quand même oppressé dès la fermeture des deux battants, enfermé alors dans ce sinistre cube d’acier n’autorisant pas plus de six personnes adultes, sans en préciser clairement le poids, essayant souvent d’estimer si la masse des utilisateurs  qui partageaient mes ascensions n’allait pas nous être fatal, craignant à chaque instant voir surgir une personne en plus que légère surcharge pondérale qui non seulement m’enverrait m’écraser le nez contre la moquette des parois imprégnée de l’odeur désagréable du tabac des usagers fumeurs, mais qui à lui seul risquerait de me condamner à finir coincé dans ce bocal hermétiquement clos dont les lumières blafardes ajoutaient une dernière touche lugubre au lieu, m’imaginer devoir l’emprunter seul m’était impossible, c’est pourquoi je lui préférais les escaliers, pourquoi je préférais gravir ou descendre cinq étages, seul, du haut de mes cinq ans sans jamais craindre d’y rester à jamais emprisonné, libre de monter, descendre, m’arrêter, sauter les marches par deux, par quatre, ne dépendre que de moi, que de moi.
Jean Luc Sauton

Mon territoire

      Tu serais assise là, sur le sable fin et chaud, les grains collés à ta peau si blanche, fragilisée par les mois passés sur ton lit blanc.
      Pas toujours agréable, ce sable qui s'insinue partout ; mais assise là, protégée derrière tes lunettes noires, sous la moite chaleur tropicale, tu serais libre à nouveau.
      Humer les senteurs iodées de l'écume, entendre le bruit des moteurs entre le flux et le reflux incessant, vital, et regarder les enfants creuser, creuser encore, avec leurs pelles, jusqu'à faire de la plage un enchevêtrement de rivières marines...
      Odeur du sel ! Sable et sel, ça tire la peau.
      Mais ça sent le renouveau, la vie qui allait vibrer bientôt !
      Et voilà que tes pensées arpenteraient les lointains rivages du temps :
      Celui où tu nageais dans les eaux froides et profondes, et si claires que tu appréhendais toujours le passage des rochers aux oursins !
      Hop, tu nageais sur le dos, si ardemment ; pour ne pas voir, ne pas sentir les épines et ne pas trembler.
      L'air serait si pur, en cette fin d'après-midi, qu'aucune poussière ne viendrait te chatouiller le bout du nez, le coin de l'oeil.
      Ce coin  où tes pensées te conduisent, pourras-tu à nouveau le fouler ?


                                                                 SEL
                                                          SABLE FIN
                                            MOITE CHALEUR TROPICALE
                                          SENTEURS IODEES DE L'ECUME
                             ENCHEVÊTREMENTS DE RIVIERES MARINES
                          PENSEES  ARPENTANT LES RIVAGES TEMPORELS
                                     DANS LES PROFONDES EAUX FROIDES
                                               TU NAGES SI ARDEMMENT
                                                     EN CET APRES-MIDI
                                                            LIBRE ENFIN

                                                                SEREINE.                       

Atelier adulte Valréas, Martine T.

Chaud
Le soleil
L'air sec
Le vent du sud
La nuit et les étoiles
Le renard et le petit garçon
Peu de vent car peu de végétation
Je ne sais plus de quelle direction j'arrive
Même spectacle sans les couleurs mais avec les étoiles
Âme     Bruit      Couleur     Désert
Étoiles     Froid
Grain
  Hautes     Immenses    J'arrive    Kaolin
Lune
    Monticules
    Nuit   Oasis   Photo   Quête
    Renard     Serpent
    Toujours     Utopie
     Vent    
Martine F.   



De vrac et de broc

Un inventaire, de quoi et avec quoi puis-je faire un inventaire ?
Impossible, impensable, irréel, ancien, passé , vieux, souvenirs, mémoire, devoir,  notes, classes, écoles, punitions, récompenses, examen, diplôme, réussite, joie, satisfaction, fierté, travail, contraintes, difficultés, collègues, tensions, entente, complicité, harmonie, salaires, vacances, plaisir, été soleil, plage , mer, bains, bien-être, douleurs, thalasso, sport, compétitions, souffrir, encore, récompenses, prix, médailles, produits, amphétamines, érythropoïétine, abus, maladie, grave, cancer, médecin, hôpital, soins, chimio, traitements, pénibles, souffrance, douleurs, encore, noirceur, convalescence……… Rires, rencontres, plaisir, encore, enfin, amitiés, amour, bonheur, enfin, couple, enfants, joie, joie, bonheur, bonheur, pleurs, ah quand même, soucis, tiens pas encore apparu celui là, nuits, blanches, premiers pas, première dent, non le contraire je crois pour le développement dans les régles, premier vélo, première bûche, pleurs bien sûr, première voiture, ah premier accident, douleurs, plaies, examen, pas de récompenses, prise de sang, alcoolémie, pas cette fois-ci, soulagement, ah oui quand même, soleil, ciel bleu, sourires, bienveillance, la vie quoi !!!!!

Danielle Françon