En
liberté
La nuit. Sous
les étoiles. Hiver. Janvier. Froid. Sur une falaise. Dessous, la mer. Dormir
là, Dehors. Un seul sac de couchage. Sarcophage. Petit campeur. Paris. Il faut
y entrer tous les deux, dans ce sac. 1m 80, baraqué. 1m 60, plutôt fluette. Qui
commence ? Ta moustache devient blanche. Je ris. On est fous ! Il
gèle. Évidemment, on ne se déshabille pas. Regarde. Interrogation. Tu te
lances ? Non. On rentre ensemble. Comment ? Debout, serrés l'un
contre l'autre. Le sac en tire-bouchon à nos pieds. L'ascension commence. Je te
respire. C'est bon ! On grelotte. Le ciel brille et tremblote. Te regarde.
Debout dans le sac. Ça marche. On est dedans. Bon, il faut s'allonger. On ne
peut pas dormir debout. Je ne vois plus ton visage. Je suis sur ton cœur.
Je ne me
souviens plus de l'instant entre debout et allongés. Ça a sûrement été violent.
Rires. Seule au-dessus des vagues. Les étoiles sont-elles toujours là ?
Toi, tu me serres fort... Je suis bien. Tu dors déjà. Je t'entends. Que faire
d'autre ? On ne peut faire aucun mouvement...
Des ailes vont
me pousser cette nuit, c'est sûr. Demain, je m'envole : mouette, ballon,
cerf-volant, plume, graine, poussière, nuage...
Au matin,
seule ta tête dépassait. Restait à faire le chemin inverse : s'extirper.
Retruver le
chaud. Les autres. Ne rien raconter. Ils ne nous croiront pas.
Croyez-vous
que j'ai rêvé ? En tout cas, j'ai volé, je jure que j'ai volé.
Claudine Kimmerlé
8 Janvier 2015
Tchin tchin ! À nos
robes !
Elle a juste quatorze ans. Elle est mince, bronzée.
C'est la rentrée, ou peut-être le mois de juin. Peu importe. Elle porte une
jolie robe. Toute simple et néanmoins... originale. Comme un tee-shirt. Un
débardeur plein de taches multicolores. Une palette de peintre. Avec une
ceinture rouge. Peut-être verte. La robe est un peu courte. Mais pas trop quand
même. À cause de la ceinture. Effet blousant...
C'est la récré. Elle discute avec ses copines. Rien
de mal. Ah oui, et des ballerines en toile, aussi. Vertes. Peut-être rouges.
Les filles discutent. De quoi parlent-elles ?
Nul ne le sait. Même pas moi. Une surveillante arrive. Comme une bombe. Celle
qui a autorisé la cigarette au fond de la cour. La directrice l'ignore. Les
profs aussi. Pacte secret pour acheter la paix sociale. Démagogie.
La surveillante fond sur le groupe de filles. Sans
un mot. Elle tire sur la robe. Une main de chaque côté. Elle tire d'un coup
sec. La robe descend jusqu'aux genoux. Sale regard. La surveillante repart.
Sans un mot.
La fille ne comprend pas. La robe n'était pas
courte. Pas comme vous pouvez l'imaginer. Dix centimètres au-dessus du genou. À
peine. Quatorze ans. Pas d'histoires, pas de garçons. Enfin, pas encore. Pas de
string, pas de vernis à ongles, pas de décolleté. Aucun vertige. Une robe
multicolore, sans manches. Une ceinture verte. Des ballerines rouges.
Florence REY, Valréas
Angoisse.
Cinq étages.
Par cet
ascenseur ?
Prisonnier
de cette cage.
Affreux
monstre métallique sans fenêtre.
Hurlant,
tambourinant, bloqué entre deux étages.
Cherchant la
main réconfortante de ma mère.
Le contact
rassurant qui balaie toutes les peurs.
Seulement
aujourd’hui tu n’es pas présente.
Malgré ces
personnes qui l’empruntent.
Je n’y
entrerai pas.
Je défierai
ce monstre.
J’irai seul.
Les
escaliers.
Liberté.
Jean Luc Sauton
27 ans
Réussite au concours
Deux mois de préparation
7 heures de vol
Et l'avion se pose à New York
Abandonnée la maison
Abandonné Valréas
Abandonnée la famille
Je suis à New York
J'ai 10 ans, j'ai 20 ans, j'ai 1000 ans
Je suis à New York
Et je marche dans les rues
Moi, la petite fille de Valréas
Moi, je marche dans New York
Le monde est à mes pieds
Je suis un géant .
Enfant j'écoutais une chanson :
« Grand maman c'est New York, je vois les bateaux remorques... »
Et je rêvais
Et j'y suis
Et je comprends que je suis faite pour cette ville
Qu'elle est faite pour moi
Je marche
Time Square
Broadway
Central Park
Les docks
La statue de la LIBERTE
Harlem
Tout dans le désordre
Les grands magasins
Les bouches de métro qui fument
La foule
Les gens qui marchent eux aussi
Mais moi je suis libre
Libre de marcher, de courir, de tout voir, de rêver
Et du coup je suis libre dans ma tête
Salut Max !
Mary au 18ème étage
Les ascenseurs qui montent haut
La vue sur New York de là haut
L’exaltation d'être aussi haut et de dominer la ville
La hauteur c'est la LIBERTE
Je domine le monde
Je suis libre de toute entrave
Puis c'est le 11 septembre
Plus de twins
La LIBERTE en prend un coup
Et la statue demande quelle est sa place.
Martine F.
Le voyage impromptu
Pas très
friquée, la meuf. Chômage oblige. Mais l'appel. Viscéral. 900 km à parcourir. La
Polo tient encore le coup. Pas réservé d'hôtel.
Marika
n'aimait pas conduire. Baluchon vite fait. Appareil photo pas oublié. Un cahier
vierge. Un stylo. Un autre au cas où...
« Avec un
plein je fais la moitié du parcours. Je peux partir tout de suite. Tant pis. Je
ferai les comptes au retour... »
Seule. La
route, l'autoroute. La faim s'insinue, secondaire. Un seul but : avancer.
Halte au poste
d'essence. Encore 400 km.
Ça vaut le
coup, non ? Partir comme ça, sans prévenir personne. Elle n'a pas peur.
Elle est grisée par sa passion. Ce besoin, cyclique, de retourner là-bas.
Le jour
décline. Au détour d'un virage il est là. Ombre aiguë – ombre grise – Avec sa
flèche dorée. Dressé dans les mauves du ciel. La mer est haute.
Marika a le
cœur qui bat.
Très fort.
Très vite.
Rien de
nouveau : elle a envie de pleurer. Elle rit. Elle chante.
Allégresse.
Ivre d'avoir
osé.
Abandonner la
Polo sur la digue. Courir chercher - trouver une chambre pour la nuit. Pourquoi
pas deux ? Il n'en reste qu'une à l'hôtel Duguesclin. Tu parles !
Marika ne discute pas. « Je prends ». spacieuse. Trop spacieuse. Trop
luxueuse. « Je mangerai des patates à l'eau !... »
Le cœur qui
bat.
Adieu
fatigue ! Le Mont Saint-Michel ce soir. Nocturne en solitaire.
Une marche.
Une autre. Volées de marches. Toiture au-dessus. Toitures au-dessous. Reflets
bleus sur la mer noire. Personne. Seule au monde. Ivre d'air. Ivre d'espace.
Ivre d'un bonheur... Lequel ?
Avoir pris son
désir à bras le corps.
L'avoir
étreint.
Être là.
Où elle avait
voulu.
Première nuit
d'errance titubante.
Le bonheur est
dans les rues.
Affranchie des
contraintes. Familiales et autres. Libérée des « après ? ».
l'instant saisi. Magique. Renouvelé. Toujours le même.
L'heure
avance. Il faudra dormir. Un peu.
Se lever avant
le soleil.
6h du matin.
Clarté à peine jusqu'à l'horizon. Marika n'est plus seule. Un homme levé sur un
rocher. Un couple enlacé sur un autre. Elle. Regards conjoints sur l'infini.
Le temps
coule. En douceur. Des vagues se profilent. Des rigoles s'emplissent. Le vent
échevelle Marika. Elle a des larmes plein les yeux. De froid ?
Bientôt
le clapotis
l'eau
monte
Marika,
les autres, reculent.
L'eau est
montée. L'eau est haute.
Invitation ?
Lever l'ancre peut-être...
Goût
salé. Un lieu. Et puis ce mot.
Marika
l'entend. Il martèle son cœur. Elle pleure. La joie tonitrue en elle.
Le mot
bourrasque
le mot
chuintant
le mot
levé
Le
mot écrit
décliné
crié
Le mot
qui fait
Toc - Toc - Toc
Li - Ber
- Té
Gabrièle
Bénitah
8 Janvier
2015
Mal a dit
Il est difficile de vivre.
Il est difficile de mourir.
Le diagnostic est posé : fin
de vie.
La maladie n’est pas vaincue.
Et maintenant quel devenir pour
vous ?
Pas de respiration naturelle.
Seul le tracé des battements du
cœur.
Pas de conscience.
Pas de communication.
Le toucher/contact, la
sensibilité.
Pas de réaction. Pas de
mouvements. Pas de tressaillements.
Et la loi ?
Et la personne de
confiance ? Existe-t-elle ?
A quoi sert-elle ? A
qui ?
Et vous là dans ce lit, sous ses
draps immaculés.
Où est-elle votre vie ?
Je sais moi qui vous étiez. On
sait tous dans le service ce que vous souhaitiez.
Pas d’acharnement.
Explication à la famille.
Devenir expliqué à la mère, au
père.
Lui malheureux, peiné, regard
las, résigné.
Elle qui ne veut rien lâcher.
D’ailleurs, a-t-elle lâché
quelque chose un jour.
Lui a-t-elle laissé un espace, de
l’espace ?
Pour vous, travail, voyages,
raids en 4X4 étaient votre vie.
Les filles, un peu, parfois mais
pas d’attaches, pas de chaines.
Aujourd’hui, fils raccordés à une
machine, tuyaux raccordés à un flacon, une pompe.
Un mois, deux mois, trois mois,
six mois….
Et la loi ? Que dit-t-elle
la loi ?
Et surtout qu’est ce qu’elle ne
dit pas ?
Assez d’hypocrisie.
Militer, militer pour la liberté
de mourir dans la dignité.
Danielle Françon
8 janvier 2015
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