Assignée à
résidence.
Abandonnée ?
Cernée d'eau.
Au-dessus, une
ombre gigantesque. Des nuages. Ils roulent et s'enroulent sur eux-mêmes dans
des fracas de menaces.
Partout des
arbres innommés volent des fragments de lumière à l'invisible. Quoi sous la
canopée entêtante ?
Fragrances
d'écorce vive, silex brûlé, sucre et miel, mousses saturées de moiteur.
De branche en
branche un cri ricoche.
Là, dans les
sables noirs, ses pieds prennent peur. L'eau sans couleur d'une caresse semble
les vouloir avaler. Le sol se dérobe. Succion.
Impossible de
rejoindre
l'ailleurs où,
à grands gestes disloqués, sa tribu l'appelle.
Là-bas, où
tout resplendit – couleurs, lumières.
Entre
l'ailleurs et l'ici,
le
frémissement d'un voile de vapeur !...
L'eau clapote.
Petits bruits indécis, insidieux, « viens, viens ».
Mais
sombre ! Si sombre !
La flottaison
des algues diffuse l’âcreté des embruns.
L'espace se
resserre.
Algues
sirènes,
chants
mouillés des feuillages,
flop-flop trop paisible insinué entre les
orteils, sous la plante des pieds.
Rafales d'iode
et de parfums paradisiaques.
Pourquoi tout
ce noir, ce vert, ce bleu, outrés jusqu'à cette opacité glauque ?
Demain.
Oui, demain.
Elle se
risquera.
Ardemment,
elle tentera de mêler le bruitage de ses pas
aux
branches qui craquent,
aux
pierres qui éclatent,
au vent
dans les frondaisons,
au rire,
peut-être, d'un singe, d'un oiseau...
Rendra-t-il le
soleil à
cette prison
de ténèbres
qu'il lui
faudra bien arpenter ?
Ici.
Où elle fut,
assignée...
Gabrièle Benitah
Ateliers d'écriture des Nuits de l'Enclave, Valréas, automne 2014