vendredi 6 avril 2012

Vers où va le vert ?

Un atelier que j'ai mené au Théâtre Canter de Saint-Denis de la Réunion avec les compagnons du Théâtre du Grand Marché, en 2008 : merci à Cécile, Vaite, Marie, Auaco et Vincent (Fontano) qui ont écrit un très beau texte choral à partir de nos séances d'atelier, intitulé "Vers où va le vert ?", et qui commence ainsi :


VAITE : La lune apparaît
Les champs endormis
Se colorent de vert.

VINCENT : D’abord, il y a un champ de cannes immense et vert qui respire à chaque passage du vent. Puis il y a une rivière qui murmure. Il y a une route silencieuse car elle est seule. Et surplombant le tout, une vieille porte en bois qui grince. Une vieille porte en bois que l’on n’a pas eu le temps de peindre, ni de poncer, une vieille porte en bois qui regarde mais que l’on ne regarde pas. Derrière cette porte, il y a moi. C’est une porte à battants. Enfant, je me disais que ce nom devait lui venir du bruit sourd et sec qu’elle faisait en se cognant au vent. Le bruit d’une claque rapide et violente. Du genre que l’on donne aux gens trop curieux. Trop curieux de voir ce qu’il y a après cette porte-là, après cette porte il y a moi. Derrière ma porte, je regarde la nuit habiller le monde. Le champ de cannes s’essouffle et la rivière semble vouloir parler. Je ferme la porte. Pas de serrures, pas de clefs, pas de cadenas qui protège l’entrée. Juste un bout de bois. Un bout de bois allongé : le battant. Il maintient les deux volets. Au pied de ma porte, des mites invisibles ont fait festin ; elles l’ont rongée, ma porte. Si bien qu’en étant attentif, on voit la lune laisser traîner sa main. Là, allongé sur mon lit, je surveille la lune. Plutôt les ombres qu’elle dessine. Savent-elles que je suis là ? Je ne les entends pas marcher mais je les vois, les ombres traversent la lumière lunaire ; au pied de ma porte, assis en tailleur, je ne dors pas, j’attends. Si elles essaient d’entrer, je sais que ma porte ne se donnera pas, pas comme ça. C’est une porte battante, elle se battra, elle me défendra, elle sait qu’après elle il y a moi.

VAITE
La porte d’entrée de la maison de mes grands-parents le jour où mon oncle est rentré déguisé en Père Noël / la porte d’entrée de la chambre funéraire /  la porte des vestiaires à la piscine l’été / mon père derrière la porte de la maison /  les portes cassées de mon frère /  la porte de la voiture qui claque sur les doigts /  la porte du train qui se ferme /   la porte du train qui s’ouvre / la porte du lycée où je me suis appuyée...

.../...

Laurent Contamin

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