A la bibliothèque de la Fondation, chacun de nous a choisi une photo d'époque. Puis nous avons imaginé tous les mots de A à Z que l'on pouvait tirer de la photo...
Abbaye / Brique / Chapeau / Draps / Evénement / Fleur / Genoux / Herbe... (c'est plus dur avec les lettres du bout !)
Nous avons aussi dressé l'inventaire de ce qui était le plus clair et le plus foncé sur ces vieilles photos en noir et blanc. Et puis avec tout ça, nous avons écrit de petits textes en imaginant que c'étaient des lettres qu'envoyaient les blessés à leur famille, comme le verso de la carte postale.
On a retravaillé les textes avec Laurent Contamin pour qu'il y ait plus de présence dedans.
Nous avons ensuite donné une représentation, en ajoutant du bruitage avec Bertrand Amiel qui travaille à la radio. Et on est même passés à la télé !
Le 26 septembre 1914
Chère famille
Est-ce que le
bébé va bien ?
Chère famille
A la guerre, je
me suis fait amputer du bras.
Cette après-midi,
je suis parti à la pêche
J’ai attrapé un
poisson.
Chère famille
Cette nuit était
très longue et il y avait des obus dans le champ de bataille.
Des obus dans ma
nuit
C’est la fin de
l’été mais pas la fin de la guerre
Guère la fin,
chère famille
Guerre, obus, opération
Arbres, nuages,
nourriture
L’infirmière à moustache est
une forteresse que je n’oserais forcer.
Lundi 18 juillet
1918
Frérot cher grand
frère
La famille va
bien ?
Tu sais que j’ai
perdu un pied, donc je suis à l’hôpital de Royaumont.
Le pied gauche
Je te dis le
gauche mais ce serait le droit ce serait pareil.
Toi et tes deux
pieds vous vous en foutez pas mal.
Samedi je vais
rentrer : dis pas à nos parents que j’ai perdu le pied.
Cette
après-midi, le soleil brille pour la première fois.
Ensommeillé, je
suis.
Ensommeillé et
plein de haine pour cette folie.
En janvier, il
pleuvait, pendant la guerre – dans les tranchées ça faisait des égouts.
L’été sera beau
et il y aura des morts.
Points de
suspension.
L’odeur des
tulipes, de la nature
Des oiseaux, des
cris de soldats, des obus
La guerre
tranquillement
Ensommeillés
seraient les guerriers, oui
Ensommeillés
sans cesse, de tranchée en tranchée, terrain gagné pied à pied dans le sommeil.
L’été prochain,
j’espère aller à côté de vous, les parents et toi.
Mieux vaut avoir
un pied en moins qu’en avoir un dans la tombe, c’est ce que m’a dit un amputé
des jambes qui pensait me faire rire.
Pas de nom
3 août 1916
Chère Maman,
Cette nuit dans
le dortoir j’ai rêvé de vous.
Deux ans que je
n’avais pas rêvé et mon premier rêve est pour vous.
Comment
vas-tu ? Y a-t-il des nouvelles de Papa ?
Comment vont les
gosses ?
Aujourd’hui nous
sommes en train de faire une course de sac et plein d’autres activités.
Je passe une
très belle journée, les infirmières jouent avec nous. Il y a si longtemps que
je n’avais pas vu de femmes.
Ici il y a des
très jeunes, il y en a qui pleurent.
Il y en a qui
veulent fuir.
Profiter d’être
ici pour s’enfuir.
Ils n’en peuvent
plus de cette boucherie.
Mais que
feront-ils dans la nature ? Il paraît qu’on fusille les déserteurs.
J’ai vu le fils
de ta sœur, j’étais vraiment heureux. Il a beaucoup changé mais je ne t’en dis
pas plus.
Notre uniforme
est blanc, de même que celui de l’infirmière, et l’uniforme de l’arbitre est
noir.
Les infirmières
préparent d’autres activités.
Jean-Pierre
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